Perrey C. Du terrain au laboratoire. L’épidémiologie pastorienne des virus oncogènes au prisme du regard ethnologique. Thèse de doctorat en Ethnologie et Anthropologie sociale à l’EHESS (Sciences des organistations), Paris, EHESS, 2001.

Résumé
Prenant comme terrain d’observation l’unité d’épidémiologie des virus oncogènes de l’institut Pasteur, cette étude vise à évaluer le rôle joué par les facteurs sociaux dans la l’élaboration du savoir scientifique. Cette construction recoupe aussi bien la manière dont furent choisies, élaborées et réalisées les différentes enquêtes que les moyens employés par les chercheurs pour élever leurs énoncés au rang de «faits» reconnus et validés par leur communauté de référence. Les débats relatifs aux techniques d’identification des virus ont également été abordés dans cette perspective. Voulant saisir l’influence du contexte institutionnel dans les dynamiques de recherche, nous avons défini dans un premier temps les composantes d’une « identité pastorienne » se déclinant à travers le message de son père fondateur, le rôle des héritiers, l’évolution des disciplines pratiquées, ainsi que l’univers symbolique partage (mythes, rites, normes et valeurs). Compte tenu de la composition de l’équipe réunissant une anthropologue, des épidémiologistes, des virologues et des biochimistes, il a été ensuite possible d’étudier, in situ, les difficultés de la mise en oeuvre d’une approche interdisciplinaire dans le champ médical. L’existence de paradigmes dominants au niveau de la communauté des rétrovirologues, les tentatives d’annexions disciplinaires, les luttes d’influences internes ou externes, les mésententes personnelles ont représenté les principaux obstacles a une fertilisation croisée des savoirs. Ainsi, parmi les multiples voies de recherches possibles concernant la spécificité des maladies associées au virus HTLV, les études d’épidémiologie moléculaire ou de génétique de prédisposition ont nettement pris le pas sur les investigations relatives à l’implication d’éventuels co-facteurs environnementaux. L’analyse du programme de recherche mené par l’équipe en Guyane française illustre, par ailleurs, la nécessite mais aussi la difficulté à maitriser simultanément des facteurs humains et non humains pour produire des données épidémiologiques fiables.